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soit pas encore dans l’âge le plus avancé, j’ai souvent entendu ses amis l’excuser sur une vieillesse précoce ; et le plaindre, en assurant qu’il était parvenu plutôt que les autres hommes à ce moment où les forces de l’entendement sont épuisées, et où la raison humaine en décrépitude ne fait plus que balbutier. Je sais combien les hommes doivent de respects et d’égards à cette dernière enfance de l’homme ; mais j’ai pensé, néanmoins, que lorsque la vieillesse est pétulante, inconsidérée et calomnieuse, lorsqu’un présomptueux orgueil la rend semblable à une adolescence inepte et mal élevée, ce n’est pas alors qu’elle mérite quelque indulgence, et n’est pas des mensonges et des outrages qu’il lui est permis de bégayer ; et si elle appuie ses prétentions sur le souvenir d’une renommée plus éclatante que solide, mais qui en impose aux sots, alors surtout il est bon de le faire rougir par la vérité ; et quoiqu’il faille mépriser ses insultes, il ne faut pas les mépriser en silence.

Cet arrogant sophiste, qui aime tant les citations, aimera sûrement beaucoup qu’en finissant je lui cite le portrait que le père des poëtes nous a tracé de Thersite, le bouffon de l’armée grecque : « Parleur sans choix et sans mesure, dont l’esprit n’était plein que d’ignobles et intarissables bavardages ».