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proscrire le mot de république. Ils regardent d’un oeil de colère celui qui ose s’en servir. Ils croient voir un sacrilège, un ennemi de l’État et du roi. Comme si tout pays où la nation fait ses lois, s’impose elle-même, demande compte aux agents publics, n’était pas une république, quel que soit d’ailleurs son mode de gouvernement et comme si celui qui veut parler avec précision et justesse, devait se priver d’une expression qui rend bien une bonne idée, parce que beaucoup de gens parlent on écoutent, sans entendre ce qu’ils disent, ou ce qu’on leur dit.

Une chose remarquable dans cette révolution, qui sous tant de rapports ne ressemble à aucune autre, et qui, malgré les fautes et les crimes dont elle a été l’occasion, a plus fait pour la justice et pour la vérité qu’aucune autre révolution connue, c’est que les passions, irritées et enflammées à un si haut degré, n’aient produit encore aucun de ces écrits atroces, mais vraiment éloquents, que la postérité blâme, mais aime à relire ; que les seuls bons ouvrages que nous voyons paraître soient aussi les seuls sages ; et surtout que nos mécontents, qui certes n’ont pas épargné la presse, et à qui d’absurdes privilèges détruits, un fol orgueil humilié, et aussi, pour dire vrai, le ressentiment de plusieurs duretés trop voisines de l’injustice, avaient dû inspirer au moins cette véhémence qui développe les talents, ou en tient lieu quelquefois, n’aient mis, au jour que de froides exagérations ou d’insipides railleries. Je sais bien que tout le parti se pâme de joie au sel de ces bouffonneries, ou tombé d’admiration devant ces foudres d’éloquence. Mais je sais bien aussi qu’il