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tous attente aux droits de quelqu’un, et que Dieu condamne des établissements destinés à rendre heureux le genre humain ; à attribuer à la déclaration des droits de l’homme tous les excès qui attaquent le plus ces mêmes droits ; à faire un crime aux lois de tous les crimes qui sont faits contre elle : car voilà ce qu’on entend dire mille fois par jour, et voilà l’unique doctrine qui résulte des fougueuses diatribes de ces gens qui semblent avoir fait serment de renoncer à toute idée d’humanité, de justice et de sens commun, pour soutenir l’honneur du corps.

C’est cet honneur de corps, l’éternel apanage de ceux qui trouvent trop difficile d’avoir un honneur qui soit à eux ; c’est, dis-je, cet honneur de corps qui fait sortir des salles d’armes des essaims de héros, ou jadis nobles, ou devenus tels depuis qu’il n’y en a plus ; armés pour le soutien du trône, qui certes n’a pas besoin d’eux ; impudents et méprisables parasites, qui, en osant se nommer les défenseurs du roi, ont pris le seul moyen qu’ils pussent avoir de lui faire tort : ils rôdent, ils courent çà et là, tout prêts à chercher querelle à quiconque n’est pas des leurs et ne désire pas la guerre civile, et à le tuer pour avoir raison contre lui. Et les femmes, toujours aveuglément livrées à leurs passions du moment, toujours éprises de ce qui ressemble au courage, de tout temps admiratrices secrètes ou déclarées de ces assassinats chevaleresques appelés duels, semblent encourager, par d’homicides applaudissements, cette férocité lâche et stupide.

C’est pour cet honneur de corps que de