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maladie de tous les caractères ardents, joints à un jugement faible et à un esprit sans culture. On s’appuie sur ses voisins, et on croit marcher ; on répète, et on croit dire. C’est surtout dans les moments de réformes et d’innovations, que celui qui veut demeurer sage et conserver son jugement sain et incorruptible, doit penser, méditer, réfléchir seul, ne s’attacher qu’aux choses, et négliger absolument les personnes. S’il fait autrement, s’il se crée des idoles ou des objets d’inimitié, il n’est bientôt plus qu’un homme de parti. La raison lui paraît démence dans telle bouche ; l’absurdité, sagesse dans telle autre : il ne juge plus les actions que par les hommes, et non les hommes par les actions, Souvenons-nous bien que toutes les personnes, que tous les clubs, que toutes les coteries délibérantes Qu non délibérantes passeront, que la liberté restera parce que la France entière la connaît, la veut, la sent, Que le fond de la constitution restera à jamais : parce qu’il n’a point pour base de vaines fantaisies ou des conventions momentanées, mais tous les rapports qui découlent nécessairement de la nature de l’homme et de celle de la société.

Les petites républiques d’Italie, avant de tomber entre les mains de divers princes étrangers, parlaient beaucoup de la liberté qu’elles ne connaissaient pas. Entièrement de pourvues de toutes les idées qui mènent à un bon gouvernement, elles étaient abandonnées à des factions capricieuses, qui, sans poser aucun principe, sans rien instituer qui pût être durable, se bornaient à se proscrire et à s’exiler mutuellement