Page:Chénier - Œuvres en prose éd. Moland, 1879.djvu/121

Cette page n’a pas encore été corrigée

par s’endormir dans une bonne volonté immobile et dans une sorte d’innocence léthargique.

De plus, il ne faut point, avant de finir, omettre une réflexion d’une haute importance, et qui mérite d’être mûrement considérée par tous ceux qui veulent sincèrement le bien : c’est que les orateurs qui excitent les hommes à ces méfiances indistinctes, à cette fermentation vague et orageuse, à cette insubordination funeste et outrageante, ont un bien grand avantage sur ceux qui les rappellent à la modération, à la fraternité, à l’examen tranquille et impartial des accusations, à l’obéis. sauce légitime ; en ce qu’ils trouvent dans le cœur humain et dans la nature des choses de bien plus puissants mobiles de persuasion. Les uns aigrissent nos soupçons contre les hommes éminents, et le peuple est naturellement soupçonneux contre tous ceux que lui-même a élevés au-dessus de lui ; ils nous alarment toujours sur de nouveaux périls, et le peuple a besoin de s’alarmer ; ils nous excitent à, faire usage et montre de nos forces et de notre pouvoir, et c’est ce que les hommes aiment le mieux : tandis que les autres ne peuvent nous rassurer qu’en nous invitant à des discussions que le plus grand nombre ne peut pas faire ; qu’ils ne peuvent nous faire sentir la nécessité de modérer nous-mêmes l’usage de nos forces, qu’en nous présentant des considérations morales, bien faibles contre ce que nous regardons comme notre intérêt pressant. Ainsi, les uns n’ont besoin que de tout confondre dans leurs discours, de nous frapper les yeux par des chimères colossales, de transporter sur des classes