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alors avoir raison ; qu’ils se trouvèrent dans ce court instant réuni$ avec tous les gens de bien, à nous prêcher dès vérités qui nous ont faits libres ; mais qu’ils ne doivent pas réclamer notre confiance comme une dette, et accuser nos mépris d’ingratitude, aujourd’hui qu’employant les mêmes expressions, les mêmes déclamations contre des choses absolument différentes, ils prêchent réellement une toute autre doctrine, qui nous conduirait à une autre fin.

J’oserai dire plus ; j’oserai dire que, surtout, lorsqu’un peuple commence ses établissements politiques, il doit, s’il les veut durables, se méfier même des excès d’un enthousiasme honnête et généreux car, dans cette ferveur première, rien ne paraît pénible ni difficile ; mais comme cette passion, portée à ce degré, est trop ardente et trop active pour ne pas bientôt se consumer d’elle-même, il se trouverait, lorsqu’elle serait calmée et (lue le peuple se serait rassis, que les institutions et les lois qui n’auraient pas eu d’autres bases, seraient, pour ainsi dire, dans une région trop élevée et ne portant pins sur aucune tête, en n’atteignant plus personne, n’auraient plus ni action ni objet, et seraient bientôt oubliées ; au lieu que les institutions, véritablement sublimes et éternelles, sont ces institutions vastes et fortes qui, ayant pour base et pour moyens toutes les facultés humaines, envisagées sous leurs rapports simples et habituels, saisissant ainsi et enveloppant les hommes dans tous leurs mouvements, n’ont besoin d’un grand enthousiasme que pour s’établir et ensuite continuent leur cours par le penchant naturel des choses, et n’exigent plus qu’un