Page:Chénier - Œuvres en prose éd. Moland, 1879.djvu/108

Cette page n’a pas encore été corrigée

mauvaise conduite et l’infidélité dans les engagements, à la risée des tyrans étrangers, aux mépris, aux malédictions, aux reproches de toutes les nations de l’Europe.

Car il ne faut point le perdre de vue : la France n’est. point dans ce moment chargée de ses seuls intérêts ; la cause de l’Europe entière est déposée dans ses mains La révolution qui s’achève parmi, nous est, pour ainsi dire, grosse des destinées du monde. Les nations qui nous environnent ont l’oeil fixé sur nous, et attendent l’événement de nos combats intérieurs avec tune impatience intéressée et une curieuse inquiétude ; et l’on peut dire que la race humaine est maintenant occupée à faire sur nos têtes une grande expérience. Si nous réussissons, le sort de l’Europe est changé ; les hommes rentrent dans leurs droits, les peuples rentrent dans leur souveraineté usurpée ; les rois, frappés du succès de nos travaux et séduits par l’exemple du roi des Français, transigeront peut-être avec les nations qu’ils seront appelés. à gouverner ; et peut-être, bien instruits par nous, des peuples plus heureux que nous parviendront à une constitution équitable et libre, sans passer par les troubles et les malheurs qui nous auront conduits à ce premier de tous les biens. Alors la liberté s’étend et se propage dans tous les sens, et le nom de la France est à jamais béni sur la terre. Mais s’il arrivait que nos dissensions, nos inconséquences, notre indocilité à la loi, fissent crouler cet édifice naissant, et parvinssent à nous abîmer dans cette dissolution de l’empire ; alors, perdus pour jamais, nous perdons avec nous