Page:Chénier - Œuvres en prose éd. Moland, 1879.djvu/107

Cette page n’a pas encore été corrigée

cet esprit d’insubordination ; de fermentation auquel le peuple a toujours du penchant, et que ses ennemis ont de tout temps cherché à lui faire regarder comme un de ses droits. Or, disais-je, n’est-il pas évident que, d’une part, les ouvriers et journaliers de tout genre, qui ne vivent que d’un travail constant et assidu, se livrant à cette oisiveté tumultueuse, ne pourraient plus gagner de quoi vivre ; et bientôt, aiguillonnés par la faim et par la colère. qu’elle inspire, ne pourraient avoir d’autre idée que d’aller chercher de l’argent dans les lieux où ils croiraient qu’il y en a ? De l’autre ; il est inutile de dire que les terres et les ateliers, délaissés par cet abandon, cesseraient de pouvoir produire le revenu des particuliers, qui fait seul le revenu public. Ainsi plus d’impôts ; dès-lors plus de service public ; dés-lors les rentiers réduits à la misère, et n’écoutant plus que leur désespoir ; l’armée débandée, pillant et ravageant tout ; l’infâme banqueroute nationale faite et déclarée ; les citoyens armés tous contre tous. Plus d’impôts ; dès-lors, plus de gouvernement, plus d’empire ; l’Assemblée nationale contrainte d’abandonner son ouvrage, dispersée, fugitive, errante ; le feu et la mort partout ;, les provinces, les villes, les particuliers s’accusant réciproquement des malheurs communs ; les vengeances, les meurtres, les crimes ; bientôt différents cantons les armes à la main, cherchant à s’arranger entre eux ou avec les peuples voisins ; la France, déchirée dans les convulsions de cette anarchie incendiaire, bientôt mise en pièces, et n’existant plus ; et ce qui survivrait de Français, dévoué à l’esclavage, à l’opprobre qui accompagne la