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plume, ou leur épée, tous, sans exception, se sont vus dénoncés dans ces amas de feuilles impures, comme ennemis de la liberté ; du moment qu’ils n’ont pas voulu que la liberté consistât à diffamer au hasard, et à ouvrir des listes de proscrits dans les groupes du Palais-Royal.

Tel est l’esprit de cette nombreuse et effrayante race de libellistes sans pudeur, qui, sous des titres fastueux et des démonstrations convulsives d’amour pour le peuple et pour la patrie, cherchent à s’attirer la confiance populaire ; gens pour qui toute loi est onéreuse, tout frein insupportable, tout gouvernement odieux ; gens pour qui l’honnêteté est de tous les jougs le plus pénible. Ils haïssent l’ancien régime, non parce qu’il était mauvais vais, mais parce que c’était un régime ils haïront le nouveau, ils les haïraient tous quels qu’ils fussent. D’une part, selon eux, les ministres du roi sont des perfides qui nous ruinent, qui appellent contre nous les armées étrangères, qui veulent ouvrir nos ports aux flottes ennemies ; de l’autre, selon eux aussi, l’Assemblée nationale elle-même est vendue, est corrompue, et conspire contre nous. Ainsi, tout ce qui nuits fait des lois, tout, ce qui nous les explique, tout ce qui les fait exécuter, tout ce qui nous entoure, est ennemi et coupable ; ainsi, nous ne devons nous fier qu’à ceux qui nous agitent, qui nous aigrissent contre tous, qui nous mettent des poignards à la main, qui nous indiquent de quoi tuer, qui nous de. mandent en grâce de les baigner dans du sang.

Si les criailleries de ces brouillons faméliques étaient généralement dévouées au mépris ou à l’oubli qu’elles