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» Toutefois ta richesse accueille mes misères ;
» Et puisque ton cœur s’ouvre à la voix des prières,
» Puisqu’il sait, ménageant le faible humilié,
» D’indulgence et d’égards tempérer la pitié,
» S’il est des dieux du pauvre, ô Lycus ! que ta vie
» Soit un objet pour tous et d’amour et d’envie.

» — Je te le dis encore, espérons, étranger.
» Que mon exemple au moins serve à t’encourager.
» Des changemens du sort j’ai fait l’expérience.
» Toujours un même éclat n’a point à l’indigence
» Fait du riche Lycus envier le destin
» J’ai moi-même été pauvre et j’ai tendu la main.
» Cléotas de Larisse, en ses jardins immenses,
» Offrit à mon travail de justes récompenses.
» Jeune ami, j’ai trouvé quelques vertus en toi ;
» Va, sois heureux, dit-il, et te souviens de moi.
» Oui, oui, je m’en souviens : Cléotas fut mon père ;
» Tu vois le fruit des dons de sa bonté prospère.
» À tous les malheureux je rendrai désormais
» Ce que dans mon malheur je dus à ses bienfaits.
» Dieux, l’homme bienfaisant est votre cher ouvrage,
» Vous n’avez point ici d’autre visible image ;
» Il porte votre empreinte, il sortit de vos mains
» Pour vous représenter aux regards des humains.
» Veillez sur Cléotas ! Qu’une fleur éternelle,
» Fille d’une ame pure, en ses traits étincelle ;
» Que nombre de bienfaits, ce sont là ses amours,
» Fassent une couronne à chacun de ses jours ;
» Et quand une mort douce et d’amis entourée,