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» Sur de molles toisons, en un calme sommeil,
» Tu peux, ici dans l’ombre, attendre le soleil.
» Je te ferai revoir tes foyers, ta patrie,
» Tes parens, si les dieux ont épargné leur vie.
» Car tout mortel errant nourrit un long amour
» D’aller revoir le sol qui lui donna le jour.
» Mon hôte, tu franchis le seuil de ma famille
» À l’heure qui jadis a vu naître ma fille.
» Salut ! Vois, l’on t’apporte et la table et le pain :
» Sieds-toi. Tu vas d’abord rassasier ta faim.
» Puis, si nulle, raison ne te force au mystère,
» Tu nous diras ton nom, ta patrie et ton père. »

Il retourne, à sa place après que l’indigent
S’est assis. Sur ses mains dans l’aiguière d’argent,
Par une jeune esclave une eau pure est versée.
Une table de cèdre où l’éponge est passée,
S’approche ; et vient offrir à son avide main
Et les fumantes chairs sur les disques d’airain,
Et l’amphore vineuse et la coupe aux deux anses.
« Mange et bois, dit Lycus ; oublions les souffrances.
» Ami, leur lendemain est, dit-on, un beau jour. »
....................
Bientôt Lycus se lève et fait emplir sa coupe,
Et veut que l’échanson verse à toute la troupe
« Pour boire à Jupiter, qui nous daigne envoyer
» L’étranger, devenu l’hôte de mon foyer. »
Le vin de, main en main va roulant à la ronde ;
Lycus lui-même emplit une coupe profonde,
L’envoie à l’étranger : « Salut, mon hôte, bois.