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soulever le voile qui couvre une renommée d’innocence et de mystère. Pourquoi livrer les fruits imparfaits de cette muse aux hasards de nos préoccupations, et demander deux fois au jugement des hommes ce qu’ils accordent si difficilement ? Nous eussions obéi à ces considérations, sans la crainte de n’être frappé de ces idées que parce qu’elles sont naturelles à ceux qui ne sont pas nés pour un grand nom, et de céder, par des abnégations faciles, à cette indifférence de la gloire qui ne suppose aucun sacrifice.

C’est surtout aux poëtes que s’adresse l’espoir de notre zèle, en mettant au jour ce recueil ; c’est au peu d’hommes restés fidèles à un culte délaissé, que cette lecture peut offrir un sujet d’étude et de méditations profitables. Les livres ne manquent pas aux idées positives de ce siècle ; pourquoi n’en apparaîtrait-il pas un pour ces esprits qui n’ont pas encore déserté tous les champs de l’imagination ? Leur estime peut consoler Chénier de l’indifférence qu’il doit attendre de la critique ; et c’est dans cette espérance que nous allons jeter un coup-d’œil sur ses ouvrages et sur sa vie si rapide. André-Marie De Chénier naquit à Constantinople, le 29 octobre 1762. Sa mère était une Grecque dont l’esprit et la beauté sont célèbres. Il fut le troisième fils de M. Louis de Chénier, consul-général de France. Le plus jeune des quatre frères était Marie