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Vois combien elle est belle ! et vois l’été vermeil,
Prodigue de trésors brillans fils, du soleil,
Qui vient, fertile amant d’une heureuse culture,
Varier du printemps l’uniforme verdure ;
Vois l’abricot naissant, sous les yeux d’un beau ciel,
Arrondir son fruit doux et blond comme le miel ;
Vois la pourpre des fleurs dont le pêcher se pare
Nous annoncer l’éclat des fruits qu’il nous prépare.
’Au bord de ces prés verds regarde ces guérets,
De qui les blés touffus, jaunissantes forêts,
Du joyeux moissonneur attendent la faucille.
D’agrestes déités quelle noble famille !
La récolte et la paix, aux yeux purs et sereins,
Les épis sur le front, les épis dans les mains,
Qui viennent, sur les pas de la belle espérance,
Verser la corne d’or où fleurit l’abondance.

LE BERGER.

Sans doute qu’à tes yeux elles montrent leurs pas ;
Moi, j’ai des yeux d’esclave et je ne les vois pas.,
Je n’y vois qu’un sol dur, laborieux, servile,
Que j’ai, non pas pour moi, contraint d’être fertile
Où, sous un ciel brûlant, je moissonne le grain
Qui va nourrir un autre et me laisse ma faim.
Voilà quelle est la terre ; elle n’est point ma mère,
Elle est pour moi marâtre ; et la nature entière
Est plus nue à mes yeux, plus horrible à mon cœur,
Que ce vallon de mort qui te fait tant d’horreur.

LE CHEVRIER.

Le soin de tes brebis, leur voix douce et paisible,