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Tient la peau d’une chèvre aux crins noirs et luisans,
Ils versent à l’envi, sur ses genoux pesans,
Le pain de pur froment, les olives huileuses,
Le fromage et l’amande, et les figues mielleuses,
Et du pain à son chien entre ses pieds gissant,
Tout hors d’haleine encore, humide et languissant ;
Qui malgré les rameurs, se lançant à la nage,
L’avait loin du vaisseau rejoint sur le rivage..

« Le sort, dit le vieillard, n’est pas toujours de fer.
» Je vous salue, enfans venus de Jupiter.
» Heureux sont les parens qui tels vous firent naître !
» Mais venez, que mes mains cherchent à vous connaître ;
» Je crois avoir des yeux. Vous êtes beaux tous trois.
» Vos visages sont doux, car douce est votre voix.
» Qu’aimable est la vertu que la grâce environne !
» Croissez, comme j’ai vu ce palmier de Latone,
» Alors qu’ayant des yeux je traversai les flots ;
» Car jadis, abordant à la sainte Délos,
» Je vis près d’Apollon, à son autel de pierre,
» Un palmier, don du ciel, merveille de la terre.
» Vous croîtrez, comme lui, grands, féconds, révérés.
» Puisque les malheureux sont par vous honorés.
» Le plus âgé de vous aura vu treize années :
» À peine, mes enfans, vos mères étaient nées,
» Que j’étais presque vieux. Assieds-toi près de moi,
» Toi, le plus grand de tous ; je me confie à toi.
» Prends soin du vieil aveugle. Ô sage magnanime !
» Comment, et d’où viens-tu ? car l’onde maritime
» Mugit de toutes parts sur nos bords orageux.