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L’AVEUGLE.


« Dieu, dont l’arc est d’argent, dieu de Claros, écoute,
» Ô Sminthée-Apollon, je périrai sans doute,
» Si tu ne sers de guide à cet aveugle errant. »

C’est ainsi qu’achevait l’aveugle en soupirant,
Et près des bois marchait, faible, et sur une pierre
S’asseyait. Trois pasteurs, enfans de cette terre,
Le suivaient, accourus aux abois turbulens
Des Molosses, gardiens de leurs troupeaux bêlans.
Ils avaient, retenant leur fureur indiscrète,
Protégé du vieillard la faiblesse inquiète ;
Ils l’écoutaient de loin ; et s’approchant de lui :
« Quel est ce vieillard blanc, aveugle et sans appui ?
» Serait-ce un habitant de l’empire céleste ?
» Ses traits sont grands et fiers ; de sa ceinture agreste
» Pend une lyre informe, et les sons de sa voix
» Émeuvent l’air et l’onde et le ciel et les bois. »
Mais il entend leurs pas, prête l’oreille, espère,