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Qui que tu sois enfin ; ô toi, jeune poète,
Travaille ; ose achever cette illustre conquête.
De preuves, de raisons, qu’est-il encor besoin ?
Travaille. Un grand exemple est un puissant témoin.
Montre ce qu’on peut faire, en le faisant toi-même ;
Si pour toi la retraite est un bonheur suprême,
Si chaque jour les vers de ces maîtres fameux
Font bouillonner ton sang et dressent tes cheveux ;
Si tu sens chaque jour, animé de leur ame,
Ce besoin de créer, ces transports, cette flamme,
Travaille. À nos censeurs, c’est à toi de montrer
Tous ces trésors nouveaux qu’ils veulent ignorer.
Il faudra bien les voir, il faudra bien se taire,
Quand ils verront enfin cette gloire étrangère
De rayons inconnus ceindre ton front brillant.
Aux antres de Paros le bloc étincelant
N’est aux vulgaires yeux qu’une pierre insensible.
Mais le docte ciseau, dans son sein invisible,
Voit, suit, trouve la vie, et l’ame, et tous ses traits.
Tout l’Olympe respire en ses détours secrets.
Là vivent de Vénus les beautés souveraines ;
Là des muscles nerveux, là de sanglantes veines
Serpentent ; là des flancs invaincus aux travaux
Pour soulager Atlas des célestes fardeaux.
Aux volontés du fer leur enveloppe énorme
Cède, s’amollit, tombe ; et de ce bloc informe
Jaillissent, éclatans, des dieux pour nos autels
C’est Apollon lui-même, honneur des immortels ;
C’est Alcide vainqueur des monstres de Némée ;
C’est du vieillard troyen la mort envenimée ;