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Aux lieux les plus déserts, ses pas, ses jeunes pas,
Trouvent mille trésors qu’on ne soupçonnait pas.
Sur l’aride buisson que son regard se pose,.
Le buisson à ses yeux rit et jette une rose.
Elle sait ne point voir, dans son juste dédain,
Les fleurs qui trop souvent, courant de main en main,
Ont perdu tout l’éclat de leurs fraîcheurs vermeilles ;
Elle sait même encore, ô charmantes merveilles !
Sous ses doigts délicats réparer et cueillir
Celles qu’une autre main n’avait su que flétrir ;
Elle seule connaît ces extases choisies,
D’un esprit tout de feu mobiles fantaisies,
Ces rêves d’un moment, belles illusions,
D’un monde imaginaire aimables visions,
Qui ne frappent jamais, trop subtile lumière,
Des terrestres esprits l’œil épais et vulgaire.
Seule, de mots heureux, faciles, transparens,
Elle sait revêtir ces fantômes errans :
Ainsi des hauts sapins de la Finlande humide,
De l’ambre, enfant du ciel, distille l’or fluide ;
Et sa chute souvent rencontre dans les airs
Quelque insecte volant qu’il porte au fond des mers ;
De la Baltique enfin les vagues orageuses
Roulent et vont jeter ces larmes précieuses,
Où la fière Vistule, en de nobles coteaux,
Et le froid Niémen expirent dans ses eaux.
Là lès arts vont cueillir cette merveille utile,
Tombe odorante où vit l’insecte volatile,
Dans cet or diaphane il est lui-même encor,
On dirait qu’il respire et va prendre l’essor.