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IAMBE I


SUR LES SUISSES RÉVOLTÉS DU RÉGIMENT DE CHATEAUVIEUX, FÉTÉS À PARIS SUR UNE MOTION DE COLLOT-D’HERBOIS.


SALUT, divin triomphe ! entre dans nos murailles :
Rends-nous ces guerriers illustrés,
Par le sang de Désille et par les funérailles
De tant de Français massacrés.
Jamais rien de si grand n’embellit ton entrée ;
Ni quand l’ombre de Mirabeau
S’achemina jadis vers la voute sacrée
Où la gloire donne un tombeau ;
Ni quand Voltaire mort et sa cendre bannie
Rentrèrent aux murs de Paris,
Vainqueurs du fanatisme et de la calomnie
Prosternés devant ses écrits.
Un seul jour peut atteindre à tant de renommée,
Et ce beau jour luira bientôt ;
C’est quand tu porteras Jourdan à notre armée,
Et La Fayette à l’échafaud ![1]

  1. Le sens ironique de cet iambe est sensible par l’opposition que présentent les quatre vers qui le terminent. Un suppôt de Marat, que l’anarchie de ces temps aurait pu associer à la gloire de nos armes, y contraste avec un vertueux défenseur du droit des peuples. L’un, connu sous le nom de Jourdan-coupe, périt sur l’échafaud ; l’autre est cet ami éclairé de la liberté, pour laquelle il a eu l’avantage de combattre dès sa jeunesse.