Page:Chénier - Œuvres complètes, éd. Latouche, 1819.djvu/28

Cette page n’a pas encore été corrigée




Des hommes immortels firent sur notre scène
Revivre aux yeux français les théàtres d’Athène.
Comme eux, instruit par eux, Voltaire offre à nos pleurs
Des grands infortunés les illustres douleurs ;
D’autres esprits divins, fouillant d’autres ruines,
Sous l’amas des débris, des ronces, dos épines,
Ont su, pleins des écrits des Grecs et des Romains,
Retrouver, parcourir leurs antiques chemins.
Mais, ô la belle palme et quel trésor de gloire
Pour celui qui, cherchant la plus noble victoire,
D’un si grand labyrinthe affrontant les hasards,
Saura guider sa muse aux immenses regards
De mille longs détours à la fois occupée,
Dans les sentiers confus d’une vaste épopée !
Lui dire d’être libre, et qu’elle n’aille pas
De Virgile et d’Homère épier tous les pas,
Par leur secours à peine à leurs pieds élevée ;
Mais, qu’auprès de leurs chars, dans un char enlevée,
Sur leurs sentiers marqués de vestiges si beaux,
Sa roue ose imprimer des vestiges nouveaux.
Quoi ! faut-il, ne s’armant que de timides voiles,
N’avoir que ces grands noms pour nord et pour étoiles,
Les côtoyer sans cesse, et n’oser un instant,
Seul et loin de tout bord intrépide et flottant,
Aller sonder les flancs du plus lointain Nérée,
Et du premier sillon fendre une onde ignorée !
Les coutumes d’alors, les sciences, les mœurs
Respirent dans les vers des antiques auteurs.
Leur siècle est en dépôt dans leurs nobles volumes.
Tout a changé pour nous, mœurs, sciences, coutumes.