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Tout mortel dans son cœur cache, même à ses yeux,
L’ambition, serpent insidieux,
Arbre impur, qui déguise une brillante écorce.
— L’empire, l’absolu pouvoir
Ont, pour la vertu même, une mielleuse amorce.
Trop de désirs naissent de trop de force.
Qui peut tout, pourra trop vouloir.
Il pourra négliger, sûr du commun suffrage
Et l’équitable humanité,
Et la décence au doux langage.
L’obstacle nous fait grands. Par l’obstacle excité,
L’homme, heureux à poursuivre une pénible gloire,
Va se perdre à l’écueil de la prospérité,
Vaincu par sa propre victoire.

XVI.


Mais au peuple surtout sauvez l’abus amer
De sa subite indépendance.
Contenez dans son lit cette orageuse mer.
Par vous seuls dépouillé de ses liens de fer,
Dirigez sa bouillante enfance.
Vers les lois, le devoir, et l’ordre, et l’équité,
Guidez, hélas ! sa jeune liberté.
Gardez que nul remords n’en attriste la fête.
Repoussant d’antiques affronts,
Qu’il brise pour jamais, dans sa noble conquête,
Le joug honteux qui pesait sur sa tête,
Sans le poser sur d’autres fronts.
Ah ! ne le laissez pas, dans la sanglante rage