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Le peuple est réveillé. Le peuple est souverain.
Tout est vaincu. La tyrannie en vain,
Monstre aux bouches de bronze, arme pour cette guerre
Ses cent yeux, ses vingt mille bras,
Ses flancs gros de salpêtre, où mugit le tonnerre :
Sous son pied faible elle sent fuir sa terre,
Et meurt sous les pesans éclats
Des créneaux fulminans ; des tours et des murailles
Qui ceignaient son front détesté.
Déraciné dans ses entrailles,
L’enfer de la Bastille à tous les vents jeté,
Vole, débris infâme, et cendre inanimée ;
Et de ces grands tombeaux, la belle liberté,
Altière, étincelante, armée,

XII.


Sort. Comme un triple, foudre éclate au haut des cieux ;
Trois couleurs dans sa main agile
Flottent en long drapeau. Son cri victorieux
Tonne. À Sa voix, qui sait, comme la voix des dieux,
En homme transformer l’argile,
La terre tressaillit. Elle quitta son deuil.
Le genre humain d’espérance et d’orgueil
Sourit. Les noirs dongeons s’écroulèrent d’eux-mêmes.
Jusque sur les trônes lointains
Les tyrans ébranlés, en hâte à leurs fronts blêmes,
Pour retenir leurs tremblans diadèmes,
Portèrent leurs royales mains.
À son souffle de feu, soudain de nos campagnes