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D’une maîtresse impure achète les transports,
Chante sur des tombeaux, et boit parmi des morts.

Malesherbes, Turgot, ô vous en qui la France
Vit luire, hélas ! en vain, sa dernière espérance,
Ministres dont le cœur a connu la pitié,
Ministres dont le nom ne s’est point oublié
Ah ! si de telles mains, justement souveraines,
Toujours de cet empire avaient tenu les rênes !
L’équité clairvoyante aurait régné sur nous,
Le faible aurait osé respirer près de vous.
L’oppresseur, évitant d’armer d’injustes plaintes,
Sinon quelque pudeur aurait eu quelques craintes.
Le délateur impie, opprimé par la faim,
Serait mort dans l’opprobre ; et tant d’hommes enfin,
À l’insu de nos lois, à l’insu du vulgaire,
Foudroyés sous les coups d’un pouvoir arbitraire,
De cris non entendus, de funèbres, sanglots,
Ne feraient point gémir les voûtes des cachots.

Non, je ne veux plus vivre en ce séjour servile
J’irai, j’irai bien loin me chercher un asile,
Un asile à ma vie en son paisible cours,
Une tombe à ma cendre à la fin de mes jours,
Où d’un grand, au cœur dur, l’opulence homicide
Du sang d’un peuple entier ne sera point avide,
Et ne me dira point, avec un rire afl’reux,
Qu’ils se plaignent sans cesse et qu’ils sont trop heureux.
Où, loin des ravisseurs, la main cultivatrice
Recueillera les dons d’une terre propice ;