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Il a coupé ses bleds quand les jeunes moissons
Ne passaient point encor les timides gazons.


Si d’un mot échappé l’outrageuse rudesse
À pu blesser l’amour et sa délicatesse,
Immobile il gémit ; songe à fout expier.
Sans honte, sans réserve, il faut s’humilier ;
Églé, tombe à genoux, bien loin de te défendre
Tu le verras soudain plus amoureux, plus tendre,
Courir et t’arrêter, et lui-même à genoux
Accuser en pleurant son injuste courroux.
Mais souvent malgré toi, sans fiel ni sans injure,
Ta bouche d’un trait vif aiguise sa piqure ;
Le trait vole, tu veux le rappeler en vain ;
Ton amant consterné dévore son chagrin :
Ou bien d’un dur refus l’inflexible constance,
De ses feux tout un jour a trompé l’espérance.
Il boude : un peu d’aigreur, un mot même douteux
Peut tourner la querelle en débat sérieux.
Ô trop heureuse alors, si, pour fuir cet orage,
Les grâces t’ont donné leur divin badinage,
Cet air humble et soumis de n’oser s’approcher,
D’avoir peur de ses yeux et de t’aller cacher,
Et de mille autres jeux l’inévitable adresse,
De mille mots plaisans l’aimable gentillesse,
Enfin tous ces détours dont le charme ingénu
Force un rire amoureux vainement retenu.