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FRAGMENS D’UN POËME SUR L’AMÉRIQUE


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J’ACCUSERAI les vents et cette mer jalouse
Qui retient, qui peut-être a ravi La Pérouse.
Il partit. L’amitié, les sciences, l’amour
Et la gloire française imploraient son retour.
Dix ans sont écoulés sans que la renommée
De son trépas au moins soit encore informée.
Malheureux ! un rocher inconnu sous les eaux
A-t-il, brisant les flancs de tes hardis vaisseaux,
Dispersé ta dépouille au sein du gouffre immense ?
Ou, le nombre et la fraude opprimant ta vaillance,
Nu, captif, désarmé, du sauvage inhumain
As-tu vu s’apprêter l’exécrable festin ?
Ou plutôt dans une île, assis sur le rivage,
Attends-tu ton ami voguant de plage en plage ;
Ton ami qui partout jusqu’aux bornes des mers,
Où d’éternelles nuits et d’éternels hivers
Font plier notre globe entre deux monts de glace,
Aux flots de l’Océan court demander ta trace ?