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Dont eux-même ont payé les splendeurs inhumaines,
Qu’eux-même ont arrachés aux entrailles des monts,
Et tout trempés encor des sueurs de leurs fronts.

Moi je me plus toujours, client de la nature,
À voir son opulence et bienfaisante et pure,
Cherchant loin de nos murs les temples, les palais
Ou la divinité me révèle ses traits.
Ces monts, vainqueurs sacrés des fureurs du tonnerre,
Ces chênes, ces sapins, premiers nés de la terre :
Les pleurs des malheureux n’ont point teint ces lambris.
D’un feu religieux le saint poete épris
Cherche leur pur éther et plane sur leur cime.
Mer bruyante, la voix du poete sublime
Lutte contre les vents ; et tes flots agités
Sont moins forts, moins puissans que ses vers indomptés.
À l’aspect du volcan, aux astres élancée,
Luit, vole avec l’Etna la bouillante pensée.

Heureux qui sait aimer ce trouble auguste et grand :
Seul il rêve en silence à la voix du torrent
Qui le long des rochers se précipite et tonne ;
Son esprit en torrent et s’élance et bouillonne.
Là je vais dans mon sein méditant à loisir
Des chants à faire entendre aux siècles à venir ;
Là, dans la nuit des cœurs qu’osa sonder Homère,
Cet aveugle divin et me guide et m’éclaire.
Souvent mon vol, armé des ailes de Buffon,
Franchit avec Lucrèce, au flambeau de Newton,
La ceinture d’azur sur la globe étendue.