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De-là, dans l’Orient ces colonnes savantes,
Rois, prêtres, animaux, peints en scènes vivantes,
De la religion ténébreux monumens,
Pour les sages futurs laborieux tourmens,
Archives de l’État, où les mains politiques
Traçaient en longs tableaux les annales publiques.
De-là, dans un amas d’emblèmes captieux,
Pour le peuple ignorant monstres religieux,
Des membres ennemis vont composer ensemble
Un seul tout, étonné du nœud qui le rassemble ;
Un corps de femme au front d’un aigle enfant des airs
Joint l’écaille et les flancs d’un habitant des mers.
Cet art simple et grossier nous a suffi peut-être
Tant que tons nos discours n’ont su voir ni connaître
Que les objets présens dans la nature épars,
Et que tout notre esprit était dans nos regards.
Mais on vit, quand vers l’homme on apprit à descendre,
Quand il fallut fixer, nommer, écrire, entendre,
Du cœur, des passions les plus secrets détours,
Les espaces du temps, ou plus longs ou plus courts,
Quel cercle étroit bornait cette antique écriture.
Plus on y ; nit de soins, plus incertaine, obscure,
Du sens confus et vague elle épaissit la nuit.
Quelque peuple à la fin par le travail instruit
Compte combien de mots l’héréditaire usage
À transmis jusqu’à lui pour former un langage.
Pour chacun de ces mots un signe est inventé ;
Et la main qui l’entend des lèvres répété
Se souvient d’en tracer cette image fidèle :
Et sitôt qu’une idée inconnue et nouvelle