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Son beau nom remplissant leur cœur et leur histoire,
Les siècles prosternés aux pieds de sa mémoire.

Par ses sueurs bientôt l’édifice s’accroît.
En vain l’esprit du peuple est rampant, est étroit,
En vain le seul présent les frappe et les entraîne,
En vain leur raison faible et leur vue incertaine
Ne peut de ses regards suivre les profondeurs,
De sa raison céleste atteindre les hauteurs.
Il appelle les dieux à son conseil suprême.
Ses décrets, confiés à la voix des dieux même,
Entraînent sans convaincre ; et le monde ébloui
Pense adorer les dieux en n’adorant que lui.
Il fait honneur aux dieux de son divin ouvrage.
C’est alors qu’il a vu tantôt à son passage
Un buisson enflammé recéler l’Éternel ;
C’est alors qu’il rapporte, en un jour solennel,
De la montagne ardente et du sein du tonnerre,
La voix de Dieu lui-même écrite sur la pierre ;
Ou c’est alors qu’au fond de ses augustes bois
Un nymphe l’appelle et lui trace des lois,
Et qu’un oiseau divin, messager de miracles,
À son oreille vient lui dicter des oracles.
Tout agit pour lui seul et la tempête et l’air,
Et le cri des forêts et la foudre et l’éclair ;
Tout. Il prend à témoin le monde et la nature ;
Mensonge grand et saint ! glorieuse imposture !
Quand aux peuples trompés ce piége généreux
Lui rend sacré le joug qui doit le rendre heureux.