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Et que de fois pourtant leurs frères envieux
Ont d’affronts insensés, de mépris odieux,
Accueilli les bienfaits de ces illustres guides !
Comme dans leurs maisons ces animaux stupides,
Dont la dent méfiante ose outrager la main
Qui se tendait vers eux pour apaiser leur faim.
Mais n’importe ; un grand homme au milieu des supplices
Goûte de la vertu les augustes délices.
Il le sait : les humains sont injustes, ingrats.
Que leurs yeux un moment ne le connaissent pas ;
Qu’un jour, entre eux et lui, s’élève avec murmure
D’insectes ennemis une nuée obscure :
N’importe ; il les instruit, il les aime pour eux.
Même ingrats, il est doux d’avoir fait des heureux.
Il sait que leur vertu, leur bonté, leur prudence,
Doit être son ouvrage et non sa récompense,
Et que leur repentir, pleurant sur son tombeau,
De ses soins, de sa vie, est un prix assez beau.
Au loin dans l’avenir sa grande ame contemple
Les sages opprimés que soutient son exemple.
Des méchans, dans soi-même il brave la noirceur :
C’est là qu’il sait les fuir ; son asile est son cœur.
De ce faite serein, son olympe sublime,
Il voit, juge, connaît. Un démon magnanime
Agite ses pensers, vit dans son cœur brûlant,
Travaille son sommeil actif et vigilant,
Arrache au long repos sa nuit laborieuse,
Allume avant le jour sa lampe studieuse,
Lui montre un peuple entier, par ses nobles bienfaits,
Indompté dans la guerre, opulent dans la paix ;