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Oui, quoique meilleure et plus belle,
Toi-même cependant tu n’es qu’une mortelle ;
Je le vois. Mais du ciel, toi, l’orgueil et l’amour,
Tes beaux ans sont sacrés. Ton ame et ton visage
Sont des dieux la divine image ;
Et le ciel s’applaudit de t’avoir mise au jour.

Le ciel t’a vue en tes prairies
Oublier tes loisirs, tes lentes rêveries ;
Et tes dons et tes soins chercher les malheureux.
Tes délicates mains à leurs lèvres amères
Présenter des sucs salutaires,
Ou presser d’un lin pur leurs membres douloureux.

Souffrances que je leur envie !
Qu’ils eurent de bonheur de trembler pour leur vie,
Puisqu’ils virent sur eux tes regrets caressans !
Et leur toit rayonner de ta douce présence,
Et la bonté, la complaisance,
Attendrir tes discours, plus chers que tes présens

Près de leur lit, dans leur chaumière,
Ils crurent voir descendre un ange de lumière,
Qui des ombres de mort dégageait leur flambeau ;
Leurs cœurs étaient émus comme, aux yeux de la Grèce,
La victime qu’une déesse
Vint ravir à l’Aulide, à Chalchas, au tombeau.

Ah ! si des douleurs étrangères
D’une larme si noble humectent tes paupières,
Et te font des destins accuser la rigueur,
Ceux qui souffrent pour toi, tu les plaindras peut-être ;