Page:Chénier - Œuvres complètes, éd. Latouche, 1819.djvu/216

Cette page n’a pas encore été corrigée

Me dit un curieux, qui s’est toujours fait gloire
D’honorer les Neuf Sœurs, et toujours, après boire ;
Étendu dans sa chaise et se chauffant les piés,
Aime à dormir au bruit des vers psalmodiés.
« — Qui, moi ? Non. Je n’ai rien. D’ailleurs je ne lis guère.
» — Certe, un tel nous lut hier une épitre !… et son frère
» Termina par une ode où j’ai trouvé des traits !….
» Ces messieurs plus féconds, dis-je, sont toujours prêts.
» Mais moi que le caprice et le hasard inspire,
» Je n’ai jamais sur moi rien qu’on puisse vous lire.
» — Bon ! bon ! Et cet Hermès, dont vous ne parlez pas,
» Que devient-il ? — Il marche, il arrive à grands pas.
» — Oh ! je m’en fie à vous. — Hélas ! trop, je vous jure.
» — Combien de chants de faits ? — Pas un, je vous assure,
» — Comment ? » Vous avez vu sous la main d’un fondeur
Ensemble se former, diverses en grandeur,
Trente cloches d’airain, rivales du tonnerre ?
Il achève leur moule enseveli sous terre ;
Puis, par un long canal en rameaux divisé,
Y fait couler les flots de l’airain embrasé.
Si bien qu’au même instant, cloches, petite et grande,
Sont prêtes, et chacune attend et ne demande
Qu’à sonner quelque mort, et du haut d’une tour
Réveiller la paroisse à la pointe du jour.
Moi je suis Ce fondeur : de mes écrits en foule
Je prépare long-temps et la forme et le moule,
Puis sur tous à la fois je fais couler l’airain,
Rien n’est fait aujourd’hui, tout sera fait demain.

Ami, Phœbus ainsi me verse ses largesses.