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il fut encore chargé de l’étrange délit d’avoir conspiré pour s’évader. Ce jugement fut rendu pour être exécuté le 7 thermidor (25 juillet 1794) ; c’est-à-dire l’avant-veille de ce jour qui eût brisé ses fers et qui, délivra toute la France.

MM. de Trudaine, demandèrent la faveur de périr avec lui, mais on les avait réservés à l’exécution du lendemain ; (du lendemain, 8 thermidor !) les bourreaux s’applaudissaient, alors, quand la victime pouvait reconnaître le sang de ses amis, à la place où ils allaient répandre le sien.

Chénier monta à huit heures du matin sur la charrette des criminels. Dans ces instans où l’amitié n’est jamais plus vivement réclamée, où l’on sent le besoin d’épancher ce cœur qui va cesser de battre, le malheureux jeune homme ne pouvait ni rien recueillir ni rien exprimer des affections qu’il laissait après lui. Peut-être il regardait avec un désespoir stérile ses pâles compagnons de mort : pas un qu’il connût ! À peine savait-il, dans les trente-huit victimes qui l’accompagnaient, les noms, de MM. de Montalembert, Créqui de Montmorency, celui du baron de Trenck, et de ce généreux Loiserolles, qui s’empressait de mourir pour sauver un fils à, sa place. Mais aucun d’eux n’était dans le secret de son ame ; cet esprit qui entendit sa pensée, ce cœur parent du sien, comme a dit le poëte, Chénier l’appelait peut-être et frémissait de