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Le Brun, faire gémir la lyre des douleurs
Que jadis Simonide anima de ses pleurs ?
Et toi, dont le génie, amant de la retraite,
Et des leçons d’Ascra studieux interprète,
Accompagnant l’Année en ses douze palais,
Étale sa richesse et ses vastes bienfaits :
Brazais, que de tes chants mon ame est pénétrée,
Quand ils vont couronner cette vierge adorée,
Pont par la main du temps l’empire est respecté,
Et de qui la vieillesse augmente la beauté !
L’homme insensible et froid en vain s’attache à peindre
Ces sentimens du cœur que l’esprit ne peut feindre ;
De ses tableaux fardés les frivoles appas
N’iront jamais au cœur dont ils ne viennent pas.
Eh ! comment me tracer une image fidèle
Des traits dont votre main ignore le modèle ?
Mais celui, qui dans soi descendant en secret,
Le contemple vivant ce modèle parfait :
C’est lui qui nous enflamme au feu qui le dévore ;
Lui, qui fait adorer la vertu qu’il adore ;
Lui, qui trace en un vers des Muses agréé,
Un sentiment profond que son cœur a créé.
Aimer, sentir, c’est là cette ivresse vantée
Qu’aux célestes foyers déroba Prométhée.
Calliope jamais daigna-t-elle enflammer
Un cœur inaccessible à la douceur d’aimer ?
Non ; l’amour, l’amitié, la sublime harmonie,
Tous ces dons précieux n’ont qu’un même génie :
Même souffle anima le poëte charmant,
L’ami religieux, et le parfait amant.