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L’ensemble de sa poésie donne l’enchantement. Elle a ce qui est le caractère des œuvres du génie : le pouvoir de vous ravir à vos propres idées, et de vous transporter dans le monde de ses créations. J’ai vu partager cette ivresse enthousiaste aux esprits les plus difficiles et les plus accoutumés, par la réflexion, à calculer l’effet de la pensée. La plus, part de ses Idylles sont des modèles dont Théocrite avouerait l’ordonnance, et ses Élégies semblent des inspirations où Tibulle a jeté sa flamme, où La Fontaine a mêlé sa grâce.

Mais j’oublie à parler des choses qui feront vivre son nom, que quelques jours dans la captivité lui restent encore, et qu’il convient d’achever une tâche douloureuse. Les deux Trudaine partageaient sa captivité. Suvée, prisonnier comme eux, s’occupait de faire son portrait. Cette peinture, possédée aujourd’hui par M. de Vérac, est la seule image qui reste de lui. C’est à Saint-Lazare qu’il composa pour mademoiselle de Coigny cette Ode, la Jeune Captive, que peut-être on n’a jamais lue sans attendrissement. La veille du jour où il fut jugé, son père le rassurait encore en lui parlant de ses talens et de ses vertus. « Hélas ! dit-il, M. de Malesherbes aussi avait des vertus ! »

parut au tribunal sans daigner parler ni se défendre. Déclaré ennemi du peuple, convaincu d’avoir écrit contre la liberté et défendu la tyrannie,