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En bien ! je le voulais. J’aurais bien dû me croire !
Tant de fois à ses torts je cédai la victoire !
Je devais une fois, du moins pour la punir,
Tranquillement l’attendre et la laisser venir.
Non. Oubliant quels cris, quelle aigre impatience
Hier sut me contraindre à la fuite, au silence ;
Ce matin’, de mon cœur trop facile bonté !
Je veux la ramener sans blesser sa fierté ;
J’y vole ; contre moi je lui cherche une excuse,
Je viens lui pardonner, c’est moi qu’elle accuse.
C’est moi qui suis injuste, ingrat, capricieux
Je prends sur sa faiblesse un empire odieux.
Et sanglots et fureurs, injures menaçantes,
Et larmes, à couler toujours obéissantes ;
Et pour la paix il faut, loin d’avoir eu raison,
Confus et repentant demander mon pardon.


Les esclaves d’Amour ont tant versé de pleurs !
S’il a quelques plaisirs, il a tant de douleurs !
Qu’il garde ses plaisirs. Dans un vallon tranquille
Les Muses contre lui nous offrent un asile ;
Les Muses, seul objet de mes jeunes désirs,
Mes uniques amours, mes uniques plaisirs.
L’Amour n’ose troubler la paix de Ce rivage.
Leurs modestes regards ont, loin de leur bocage,
Fait fuir Ce dieu Cruel, leur légitime effroi.
Chastes Muses, veillez, veillez toujours sur moi.