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Dupe de mes regards, à mes désirs crédule,
Elles trouvent mon cœur toujours prêt à s’ouvrir.
Toujours trahi, toujours je me laisse trahir.
Je leur crois des vertus, dès que je les vois belles.
Sourd à tous vos conseils, ô mes amis fidèles !
Relevé d’une chute, une chute m’attend ;
De Carybde à Scylla toujours vague et flottant,
Et toujours loin du bord jouet de quelque orage,
Je ne sais que périr de naufrage en naufrage.
Ah ! je voudrais n’avoir jamais reçu le jour
Dans ces vaines cités que tourmente, l’amour.
Où les jeunes beautés, par une longue, étude,
Font un art des sermens et de l’ingratitude.
Heureux loin de ces lieux éclatans et trompeurs,
Eh ! qu’il eût mieux valu naître un de ces pasteurs
Ignorés dans le sein de leurs Alpes fertiles,
Que nos yeux ont connus fortunés et tranquilles.
Ô ! que ne suis-je enfant de ce lac, enchanté
Où trois pâtres héros ont à la liberté.
Rendu tous leurs neveux et l’Helvétie entière.
Faible, dormant encor sur le sein de ma mère,
Ô ! que n’ai-je entendu ces bondissantes eaux,
Ces fleuves, ces torrens, qui, de leurs froids berceaux,
Viennent du bel Assly nourrir les doux ombrages.
Assly ! frais Élysée ! Honneur des pâturages,
Lieu qu’avec tant d’amour la nature a formé,
Où l’Ar roule un or pur en son onde, semé.
Là, je verrais assis dans ma grotte profonde
La génisse traînant sa mamelle féconde,