Page:Chénier - Œuvres complètes, éd. Latouche, 1819.djvu/189

Cette page n’a pas encore été corrigée

Oh ! je me glisserai vers la plume indolente,
Doucement, pas à pas, et ma main caressante,
Et mes fougueux transports feront à son sommeil
Succéder un subit mais un charmant réveil ;
Elle reconnaîtra le mortel qui l’adore,
Et mes baisers long-temps empêcheront encore
Sur ses yeux, sur sa bouche, empressés de courir,
Sa bouche de se plaindre et ses yeux de s’ouvrir.

Mais j’entrevois enfin sa porte souhaitée.
Que de bruit ! que de chars ! quelle foule agitée !
Tous vont revoir leurs biens, leurs chimères, leur or ;
Et moi, tout mon bonheur, Camille, mon trésor.
Hier, quand malgré moi je quittai son asile,
Elle m’a dit : « Pourquoi t’éloigner de Camille ?
s Tu sais bien que je meurs si tu n’es près de moi. »
Ma Camille, je viens, j’accours, je suis chez toi.
Le gardien de tes murs, ce vieillard qui m’admire
M’a vu passer le seuil et s’est mis à sourire.
Bon ! j’ai su (les amans sont guidés par les dieux)
Monter sans nul obstacle et j’ai fui tous les yeux.
Ah ! que vois-je ? Pourquoi ma porte accoutumée ;
Cette porte secrète est-elle donc fermée ?
Camille, ouvrez, ouvrez, c’est moi. : L’on ne vient pas.
Ciel ; elle n’est point seule ! On murmure tout bas,
Ah ! c’est la voix de Lise. Elles parlent ensemble.
Ou se hâte ; l’on court ; on vient enfin ; je tremble.
Qu’est-ce donc ? à m’ouvrir pourquoi tous ces délais ?
Pourquoi ces yeux mourans et ces cheveux défaits ?
Pourquoi cette terreur dont vous semblez frappée ?