Page:Chénier - Œuvres complètes, éd. Latouche, 1819.djvu/182

Cette page n’a pas encore été corrigée

Allait se consumant, et s’éteignit enfin.
Avec toi les sermens de cette bouche aimée
S’envolèrent bientôt en légère fumée.
Près de son lit, c’est moi qui fis veiller tes feux
Pour garder mes amours, pour éclairer nos jeux ;
Et tu ne t’éteins pas à l’aspect de son crime !
Et tu sers aux plaisirs d’un rival qui m’opprime !
Tu peux, fausse comme elle, et comme elle sans foi,
Être encor pour autrui ce que tu fus pour moi
Montrant à d’autres yeux, que tu guides sur elle,
Combien elle est perfide et combien elle est belle !

— Poëte malheureux, de quoi m’accuses-tu
Pour te la conserver j’ai fait ce que j’ai pu,
Mes yeux, dans ses forfaits même ont su la poursuivre,
Tant que ses soins jaloux me permirent de vivre :
Hier, elle semblait en efforts languissans
Avoir peine à traîner ses pas et ses accens.
Le jour venait de fuir, je commençais à luire ;
Sa couche la reçut, et je l’ouïs te dire
Que de son corps souffrant les débiles langueurs
D’un sommeil long et chaste imploraient les douceurs.
Tu l’embrasses, tu pars, tu la vois endormie.
À peine tu sortais, que cette porte amie
S’ouvre : un front jeune et blond se présente, et je vois
Un amant aperçu pour la première fois.
Elle alors ; d’une voix tremblante et favorable,
Lui disait : e Non, partez ; non, je suis trop coupable. »
Elle parlait ainsi, mais lui tendait les brai.
Le jeune homme près d’elle arrivait pas à pas.