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À ma langue incertaine inspirer du courage !
Sans dédain, sans courroux, puissé-je être écouté !
puisse un vers caressant séduire la beauté !
Et si je puis encore, amoureux de sa chaîne,
Célébrer mon bonheur ou soupirer ma peine,
Si je puis par mes sons touchans et gracieux
Aller grossir un jour ce peuple harmonieux
De cygnes dont Vénus embellit ses rivages,
Et se plaît d’égayer les eaux de ses bocages ;
Sans regret, sans envie, aux vastes champs de l’air
Mes yeux verront planer l’oiseau de Jupiter.
Sans doute heureux celui qu’une palme certaine
Attend victorieux dans l’une et l’autre arène ;
Qui tour à tour convive et de Guide et des cieux,
Des bras d’une Maîtresse enlevé chez les dieux,
Ivre de voluptés, s’enivre encor de gloire ;
Et qui, cher à Vénus et cher à la victoire,
Ceint des lauriers du Pinde et des fleurs de Paphos,
Soupire l’Élégie et chante les héros.

Mais qui sut à ce point, sous un astre propice,
Vaincre du ciel jaloux l’inflexible avarice ?
Qui put voir en naissant, par un accord nouveau,
Tous les dieux à la fois sourire à son berceau ?
Un seul a pu franchir cette double carrière :
C’est lui qui va bientôt, loin des yeux du vulgaire,
Inscrire sa mémoire aux fastes d’Hélicon,
Digne de la nature et digne de Buffon.
Fortunée Agrigente, et toi reine orgueilleuse,
Rome, à tous les combats toujours victorieuse,