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La mort est désirable, et vaut mieux que la, vie.
Ô jeunesse rapide ! ô songe d’un moment !
Puis l’infirme vieillesse, arrivant tristement,
Presse d’un malheureux la tête chancelante,
Courbe sur un bâton sa démarche tremblante ;
Lui couvre d’un nuage et les yeux et l’esprit,
Et de soucis cuisans l’enveloppe et l’aigrit :
C’est son bien dissipé, c’est son fils, c’est sa femme,
Ou les douleurs du corps, si pesantes à l’ame ;
Ou mille autres ennuis. Car, hélas ! nul mortel
Ne vit exempt de maux sous la voûte du ciel.
Ô ! quel présent funeste eut l’époux de l’aurore,
De vieillir chaque jour, et de vieillir encore,
Sans espoir d’échapper à l’immortalité !
Jeune, son front plaisait. Mais quoi ! toute beauté
Se flétrit sous les doigts de l’aride vieillesse.
Sur le front du vieillard habite la tristesse ; _
Il se tourmente, il pleure, il veut que vous pleuriez :
Ses yeux par un beau jour ne sont plus égayés.
L’ombre épaisse et touffue et les prés et Zéphire
Ne lui disent plus rien, ne le font plus sourire.
La troupe des enfans, en l’écoutant venir,
Le fuit, comme ennemi de leur jeune plaisir ;
Et s’il aime, en tous lieux sa faiblesse exposée
Sert aux jeunes beautés de fable et de risée.