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Nos cœurs en la voyant ne palpiteront plus.
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C’est alors, qu’exilé dans mon champêtre asile,
De l’antique sagesse admirateur tranquille,
Du mobile univers interrogeant la voix,
rirai de la nature étudier les lois.
Par quelle main sur soi la terre suspendue
Voit mugir autour d’elle Amphitrite étendue ;
Quel Titan foudroyé respire avec effort,
Des cavernes d’Ætna la ruine et la mort ;
Quel bras guide les cieux ; à quel ordre enchaînée,
Le soleil bienfaisant nous ramène l’année.
Quel signe aux ports lointains arrête l’étranger ;
Quel autre sur la mer conduit le passager,
Quand sa patrie absente et long-temps appelée
Lui fait tenter l’Euripe et les flots de Malée ;
Et quel, de l’abondance heureux avant-coureur,
Arme d’un aiguillon la main du laboureur.
Cependant, jouissons ; l’âge nous y convie.
Avant de la quitter, il faut user la vie :
le moment d’être sage est voisin du tombeau.

Allons, jeune homme, allons, marche ; prends ce flambeau ;
Marche, allons. Mène-moi chez ma belle maîtresse.
J’ai pour, elle aujourd’hui mille fois plus d’ivresse.
Je veux que des baisers plus doux, plus dévorans,
N’aient jamais vers le ciel tourné ses yeux mourans.