Page:Chénier - Œuvres complètes, éd. Latouche, 1819.djvu/151

Cette page n’a pas encore été corrigée

Bien loin de les éteindre aiguillonnait mes feux.
Ma main courait saisir, de transports chatouillée,.
Sa tête noblement folâtre, échevelée.
Elle riait ; et moi, malgré ses bras jaloux,
J’arrivais à sa bouche, à ses baisers si doux.
J’avais soin de reprendre, utile stratagème !
Les fleurs que sur son sein j’avais mises moi-même ;
Et sur ce sein, mes doigts égarés, palpitans,
Les cherchaient, les suivaient, et les ôtaient long-temps.

Ah ! je l’aimais alors ! Je l’aimerais encore,
Si de tout conquérir la soif qui la dévoré
Eût flatté mon orgueil au lieu de l’outrager.
Si mon amour n’avait qu’un outrage à venger ;
Si vingt crimes nouveaux n’avaient trop su l’éteindre ;
Si je ne l’abhorrais. Ah ! qu’un cœur est à plaindre
De s’être à son amour long-temps accoutumé,
Quand il faut n’aimer plus ce qu’on a tant aimé !
Pourquoi, grands dieux ! pourquoi la fîtes-vous si belle ?
Mais ne me parlez plus, amis, de l’infidèle :
Que m’importe qu’un autre adore ses attraits ;
Qu’un autre soit le roi de ses festins secrets ;
Que tous deux en riant ils me nomment peut-être ;
De ses cheveux épars qu’un autre soit le maître ;
Qu’un autre ait ses baisers, son cœur ; qu’une autre main
Poursuive lentement des bouquets sur son sein.
Un autre ! Ah ! je ne puis en souffrir la pensée.
Riez, amis ; nommez ma fureur insensée.
Vous n’aimez pas, et j’aime ; et je brûle et je pars
Me coucher sur sa porte, implorer ses regards ;