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» Mais, si tu ne veux point gémir dans l’esclavage,
» Sache que trop d’amour excite leur dédain.
» Laisse-la quelquefois te désirer en vain.
» Il est bon, quelque orgueil dont s’enivrent ces belles,
» De leur montrer pourtant qu’on peut se passer d’elles.
» Viens, et loin d’être faible’, allons, si tu m’en crois,
» Respirer la fraîcheur de la nuit et des bois ;
» Car dans cette saison de chaleurs étouffée,
» Tu sais, le jour n’est bon qu’à donner 4 Morphée.
» Allons. Et pour Camille elle n’a qu’à dormir. »

Passons devant ses murs. Je, veux, pour la punir,
Je veux qu’à son réveil demain on lui rapporte
Qu’on m’a vu. Je passais sans regarder sa porte.
Qu’elle s’écrie alors, les larmes dans les yeux,
Que tout homme est parjure et qu’il n’est point de dieux !
Tiens. C’est ici. Voilà ses jardins solitaires
Tant de fois attentifs à nos tendres mystères
Et là, tiens, sur ma tête est son lit amoureux,
Lit chéri, tant de fois fatigué de nos jeux.
Ah ! le verre et le lin, délicate barrière,
Laissent voir à nos yeux la tremblante lumière
Qui, jusqu’à l’aube, au teint moins que le sien vermeil,
Veille près de sa couche, et garde son sommeil.
C’est là qu’elle m’attend. Ô si tu l’avais vue,
Quand, fermant ses beaux yeux, mollement étendue,
Laissant tomber sa tête, un calme pur et frais
Comme aux anges du ciel fait reluire ses traits.
Ah ! je me venge aussi plus qu’elle ne mérite.
Un vain caprice, un rien… Ami, fuyons bien vite ;