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ÉLÉGIE XVI.


Ô jours de mon printemps, jours couronnés de rose,
À votre fuite en vain un long regret s’oppose.
Beaux jours, quoique souvent obscurcis de mes pleurs,
Vous dont j’ai su jouir même au sein des douleurs,
Sur ma tête bientôt vos fleurs seront fanées.
Hélas ! bientôt le flux des rapides années
Vous aura loin de moi fait voler sans retour.
Ô ! si du moins alors je pouvais à mon tour,
Champêtre possesseur, dans mon humble chaumière
Offrir à mes amis une ombre hospitalière ;
Voir mes Lares charmés, pour les bien recevoir,
À de joyeux banquets la nuit les faire asseoir ;
Et là nous souvenir, au milieu de nos fêtes,
Combien chez eux long-temps, dans leurs belles retraites,
Soit sur ces bords heureux, opulents avec choix,
Où Montigny s’enfonce en ses antiques bois,
Soit où la Marne lente, en un long cercle d’îles,
Ombrage de bosquets l’herbe et les prés fertiles ;
J’ai su, pauvre et content, savourer à longs traits
Les muses, les plaisirs, et l’étude et la paix.
Qui ne sait être pauvre est né pour l’esclavage.