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ÉLÉGIE XIV.


Ô Muses, accourez ; solitaires divines,
Amantes des ruisseaux ; des grottes, des collines.
Soit qu’en ses beaux vallons Nisme égare vos pas,
Soit que de doux pensers, en de rians climats,
Vous retiennent aux bords de Loire ou de Garonne ;
Soit que parmi les chœurs de ces nymphes du Rhône
La lune sur les prés où son flambeau vous luit,
Dansantes, vous admire au retour de la nuit.
Venez. J’ai fui la ville aux Muses si contraire,
Et l’écho fatigué des clameurs du vulgaire.
Sur les pavés poudreux d’un brulant carrefour
Les poétiques fleurs n’ont jamais vu le jour.
Le tumulte et les cris font fuir avec la lyre
L’oisive rêverie au suave délire ;
Et les rapides chars et leurs cercles d’airain
Effarouchent les vers qui se taisent soudain.
Venez. Que vos bontés ne me soient point avares.
Mais, ô faisant de vous mes pénates, mes lares,
Quand pourrai-je habiter un champ qui soit à moi !
Et villageois tranquille, ayant pour tout emploi
Dormir et ne rien faire, inutile poète,