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pensée ; mais peu de temps après il s’éloigna avec horreur de cette société devenue trop célèbre sous la dénomination des Jacobins.

Son erreur avait été courte, car elle s’était dissipée avant les premiers excès de ses collègues. Mais c’en était assez pour avoir frappé les esprits. Divisés sur un point, on établit que les deux frères l’étaient sur tous ; et de-là cette opinion, encore répétée, qu’André Chénier appartenait à la cause des priviléges et des injustices. On conçoit qu’une telle conquête ait tenté l’ambition de certain parti ; mais là, comme ailleurs, ses prétentions s’évanouissent devant l’évidence.

Doué d’une raison supérieure et de ce courage civil, rare en France où la valeur est commune, André Chénier devait se placer dans les rangs peu nombreux de ces hommes que n’approchent ni l’ambition, ni la crainte, ni l’intérêt personnel. La plupart des esprits ne sauraient comprendre qu’on ne tienne à aucun parti, à aucune secte, et qu’on ose penser tout seul c’est le propre des amis de la liberté. Ceux-là se placent au milieu des factions qui se combattent ; et il ne faut pas croire que s’ils suivent cette ligne, que s’ils s’exposent dans cette carrière, la plus périlleuse de toutes, ils en méconnaissent le désavantage. N’accusons point leur habileté pour nous dispenser d’honorer leur courage.

Le caractère d’André Chénier était armé contre