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Elle plaît. Mes amis, vos yeux en sont témoins.
Et puis une plus belle eût voulu plus de soins ;
Délicate et craintive’, un rien la décourage,
Un rien sait l’animer. Curieuse et volage,
Elle va parcourant tous les objets flatteurs,
Sans se fixer jamais ; non plus que sur les fleurs
Les zéphyrs vagabonds, doux rivaux des abeilles,
Ou le baiser ravi sur des lèvres vermeilles.
Une source brillante, un buisson qui fleurit,
Tout amuse ses yeux ; elle pleure, elle rit.
Tantôt à pas rêveurs, mélancolique et lente
Elle erre avec une onde et pure et languissante ;
Tantôt elle va, vient, d’un pas léger et sûr
Poursuit le papillon brillant d’or et d’azur,
Ou l’agile écureuil, ou dans un nid timide
Sur un oiseau surpris pose une main rapide.
Quelquefois, gravissant la mousse du rocher,
Dans une touffe épaisse elle va se cacher ;
Et sans bruit épier sur la grotte pendante
Ce. que dira le Faune à la Nymphe imprudente
Qui dans cet antre sourd et des faunes ami
Refusait de le suivre, et pourtant l’a suivi.
Souvent même, écoutant de plus hardis caprices.,
Elle ose regarder au fond des précipices
Où sur le roc mugit le torrent effréné,
Du droit sommet d’un mont tout-à-coup déchaîné.
Elle aime aussi chanter à la moisson nouvelle,
Suivre les moissonneurs et lier la javelle.
L’Automne au front vermeil, ceint de pampres nouveaux,
Parmi les vendangeurs l’égare en des côteaux ;