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Tu n’aimes qu’à rêver, muette, seule, errante ;
Et la rose pâlit sur ta bouche mourante.
Ah ! mon œil est savant et depuis plus d’un jour,
Et ce n’est pas à moi qu’on peut cacher l’amour.
Les belles font aimer ; elles aiment. Les belles
Nous charment tous. Heureux qui peut être aimé d’elles !
Sois tendre ; même faible ; on doit l’être un moment ;
Fidèle si tu peux. Mais conte-moi comment,
Quel jeune homme aux yeux bleus, empressé, sans audace,
Aux cheveux noirs, au front plein de charme et de grace…
Tu rougis ? on dirait que je t’ai dit son nom.
Je le connais pourtant. Autour de ta maison
C’est lui qui va, qui vient, et laissant ton ouvrage,
Tu cours, sans te montrer, épier son passage.
Il fuit vite ; et ton œil sur sa trace accouru,
Le suit encor long temps quand il a disparu.
Nul, en ce bois voisin où trois fêtes brillantes
Font voler au printemps nos nymphes triomphantes,
Nul n’a sa noble aisance et son habile main
À soumettre un coursier ; aux volontés du frein.