Page:Chénier - Œuvres complètes, éd. Latouche, 1819.djvu/109

Cette page n’a pas encore été corrigée

Mille fraîches beautés que partout j’environne ;
Je les tiens, les soulève, et murmure et bouillonne.
Mais surtout, Lycoris, Protée insidieux
Partout autour de toi je veille, j’ai des yeux.
Partout, Sylphe ou Zéphire, invisible et rapide,
Je te vois. Si ton cœur complaisant et perfide
Livre à d’autres baisers une infidèle main,
Je suis là. C’est moi seul dont le transport soudain,
Agitant tes rideaux ou ta porte secrète,
Par un bruit imprévu t’épouvante et t’arrête.
C’est moi, remords jaloux, qui rappelle en ton cœur
Mon nom et tes sermens et ma juste fureur.

Mais périsse l’amant que satisfait la crainte.
Périsse la beauté qui m’aime par contrainte,
Qui voit dans ses sermens une pénible loi,
Et n’a point de plaisir à me garder sa foi !


ÉLÉGIE V


Jeune fille, ton cœur avec nous veut se taire.
Tu fuis, tu ne ris plus ; rien ne saurait te plaire.
La soie à tes travaux offre en vain des couleurs ;
L’aiguille sous tes doigts n’anime plus des fleurs.