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Dors en pensant à moi ; rêve-moi près de toi ;
Ne vois que moi sans cesse, et sois toute avec moi.



ÉLÉGIE IV


Ah ! je les reconnais et mon cœur réveille.
Ô sons ! Ô douces voix chères à mon oreille,
Ô mes Muses, c’est vous. Vous, mon premier amont,
Vous, qui m’avez aimé dès que j’ai vu le jour.
Leurs bras, à mon berceau dérobant mon enfance,
Me portaient sous la grotte où Virgile eut naissance,
Où j’entendais le bois murmurer et frémir,
Où leurs yeux dans les fleurs me regardaient dormir.-
Ingrat ! ô de l’amour trop coupable folie !
Souvent je les outrage et fuis et les oublie ;
Et sitôt que mon cœur est en proie au chagrin.
Je les vois revenir le front doux et serein.
J’étais seul, je mourais. Seul, Lycoris absent,
De soupçons inquiets m’agite et me tourmente.
Je vois tous ses appas et je vois mes dangers ;
Ah ! je la vois livrée à des bras étrangers.
Elles viennent ! leurs voix, leur aspect me rassure ;
Leur chant mélodieux : assoupit ma blessure
Je me fuis, je m’oublie, et mes esprits distraits