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ÉLÉGIE III.


Ô lignes que sa main, que son cœur a tracées !
Ô nom baisé cent fois ! craintes bientôt chassées !
Oui : cette longue routé, et ces nouveaux séjours,
Je craignais… Mais enfin mes lettres, nos amours,
Ma mémoire, partout sont tes chères compagnes.
Dis vrai ? suis-je avec toi dans ces riches campagnes
Où du Rhône indompté l’Arve trouble et fangeux
Vient grossir et souiller le cristal orageux ?

Ta lettre se promet qu’en ces nobles rivages
Où Sennar épaissit ses immenses feuillages,
Des vers pleins de ton nom attendent ton retour,
Tout trempés de douceurs, de caresses, d’amour.
Heureux qui, tourmenté de flammes inquiètes,
Peut du Permesse encor visiter les retraites ;
Et loin de son amante, égayant sa langueur,
Calmer par des chansons les troubles de son cœur !
Camille, où tu n’es point, moi je n’ai pas de muse.
Sans toi, dans ses bosquets Hélicon me refuse ;
Les cordes de la lyre ont oublié mes doigts,
Et les chœurs d’Apollon méconnaissent ma voix.